On n’écrira pas du parcours du dernier candidat déclaré à la mairie de la deuxième ville de France qu’il est « atypique » selon l’expression consacrée puisqu’il est tout
simplement unique. Mababa Diouf (on ne le renommera Pape qu’un peu plus tard) est né le 18 décembre 1951 à Abéché, au Tchad. Demba, son père, est une figure. Mécanicien de l’armée
française durant la Seconde Guerre mondiale et gaulliste des premières heures, il devient fonctionnaire au Tchad puis à Dakar au Sénégal, sa patrie, où il s’établit avec ses deux
épouses et ses huit enfants, neuf mois après la naissance de Mababa. Elevé dans le quartier de Fann-Hock, le petit Pape découvre, déjà, la mixité sociale aux côtés de ses voisins
sénégalais, français, cap-verdiens et libanais.
A six ans, il est pourtant arraché aux bonheurs simples de l’âge tendre pour être expédié chez un oncle qui va lui mener la vie dure, comme le veut alors la coutume au pays. Pape ne
retrouve Dakar qu’à onze ans et va bientôt fréquenter, lui le musulman, le collège Saint-Michel, une école catholique où il se révèle excellent élève. En 1970, son père le sent mûr et
prêt pour la vraie vie : l’armée française ! Lorsqu’il débarque à Avignon, la cité des papes vous l’aurez noté, le jeune déraciné pense venir accomplir son service militaire
mais découvre à sa grande stupeur que son père l’a engagé pour de bon. L’uniforme cependant, très peu pour lui : Pape parvient à se faire exempter et va vivre un temps de petits
boulots à Marseille, tout en passant son bac en candidat libre.
Tour à tour contrôleur, coursier, manutentionnaire puis postier, il découvre par le bas la cité phocéenne mais fréquente aussi Science-Po à Aix-en-Provence avant d’être embauché
comme journaliste pigiste à La Marseillaise, le quotidien communiste de la ville. « Je n’avais pas la
carte même si j’étais assez proche des idées communistes de l’époque », déclarait-il sur Infosport Plus en mars dernier, à l’occasion de la sortie de son
autobiographie C’est bien plus qu’un Jeu. « J’ai toujours évité de m’encarter, reprenait-il. S’encarter c’est, peut-être, être phagocyté idéologiquement ou
simplement par une ligne de parti et cela me gênait beaucoup. Donc j’étais sympathisant mais pas encarté » …des propos qui prennent aujourd’hui pleinement leur sens, on le lira
plus loin.
De la salle de presse à la présidence
Une fois embauché à temps plein, Pape Diouf va couvrir l’Olympique de Marseille comme journaliste sportif douze
saisons durant, période qui voit le club phocéen conquérir une Coupe de France, toucher le fond en deuxième division avant de retrouver le chemin de la gloire sous la présidence de
Bernard Tapie, arrivé en 1986. « Au début, se souvient-il, on vérifiait souvent ma carte de presse. Pour certains, un Noir ne pouvait pas bien écrire ». Non
seulement Pape sait écrire mais il manie la langue française avec talent et brio, à l’écrit comme à l’oral. Après un court passage au Sport, quotidien sportif concurrent de
L’Equipe qui doit déposer le bilan après neuf mois d’existence en 1988, Pape quitte le journalisme pour devenir agent de joueurs.
Dans «Jeune Afrique» en janvier 2014
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Pour ma part, j’ai toujours considéré le racisme comme une connerie très humaine. Et qu’était libre d’être con qui le voulait.
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Il représente d’abord des footballeurs africains ou africains d’origine, rarement rétribués à leur juste valeur dans le foot de ces années-là. Ses premiers clients sont
évidemment des joueurs de l’OM : Basile Boli, défenseur international français d’origine ivoirienne er Joseph-Antoine Bell, gardien de but international camerounais.
« J’avais des scrupules à embrasser un métier qui, déjà à l’époque, n’avait pas forcément bonne presse », admettait-il l’an dernier sur Infosport Plus.
« Je me suis décidé en me disant qu’il fallait établir de nouvelles règles et ce sont ces règles qui ont nourri toute ma démarche : pas de contrat, on se tape
dans la main, une relation basée sur la confiance et la compréhension mutuelle ».
« Agent très spécial » tel qu’il se décrit lui-même, Pape crée Mondial Promotion, une société qui va représenter des grands noms du championnat de France : Marcel
Desailly, François Oman-Biyik, Abedi Pelé, Rigobert Song, Péguy Luyindula, Bernard Lama, William Gallas, Grégory Coupet, Samir Nasri et bien sûr Didier Drogba, sa plus grande
réussite. Très apprécié dans le milieu du foot, Pape finit par répondre aux appels du pied du président de l’OM, Christophe Bouchet, pour intégrer le club, après avoir
beaucoup hésité (entre autres parce qu'il gagnait plus en tant qu'agent). A peine arrivé, c'est le drame ! Les dirigeants en place consentent à laisser partir Drogba à Chelsea, au grand dam de Diouf qui doit pourtant finaliser lui-même la transaction en faisant
quand même monter le prix du transfert de 30 à 37,5 millions d’euros, ce qui reste toujours, dix ans après, un record pour un joueur issu de la Ligue 1.
C’est finalement Christophe Bouchet qui va payer les conséquences du départ de l’idole. Il est débarqué en novembre 2004 par le propriétaire Robert Louis-Dreyfus qui transmet
alors les rênes du conseil de gouvernance à Pape Diouf, lequel devient de facto le premier président noir d’un grand club européen, réalité qu’il constate mais le
désole. Sous son règne, l’OM finit une fois 5e et trois fois sur le podium (une fois 3e, deux fois 2e), des résultats qui permettent au club
de retrouver la Ligue des champions et d’assainir ses finances. Mais l’équipe ne gagne pas de titre, perdant au passage deux finales de Coupe de France d’affilée en 2006 et
2007. Comme toujours à l’OM, et comme souvent dans le foot, l’histoire d’amour finit mal. Accusé à tort d’avoir laissé partir le populaire entraîneur belge Erik Gerets,
il est congédié par « RLD » le 17 juin 2009. Ironie du sort, l’OM réalise le doublé Coupe de la Ligue-championnat la saison suivante, sous la présidence de
Jean-Claude Dassier et la férule de Didier Deschamps.
Consulté et courtisé en haut-lieu
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Médiatiquement, le poste de président de l'OM (ici en 2006 entre Fabien Barthez et José Anigo) est encore plus exposé que celui de maire de Marseille.
AFP PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
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Depuis son départ de l’OM, Pape Diouf a renoué avec le journalisme en tant que consultant occasionnel sur Canal Plus et comme intervenant pour l’Officiel des paris
en ligne. Il s’est également associé à l’animateur Jean-Pierre Foucault pour fonder en 2010 l’European communication school et l’Institut européen de journalisme,
deux écoles qui sont venues s’ajouter à la pléthore d’établissements déjà existants en France dans ce secteur. Cette période beaucoup plus calme lui a certainement
permis de mûrir le projet de se lancer en politique. Décoré
de la Légion d’honneur par François Hollande en octobre dernier, il a été consulté par le président de la République mais aussi par le Premier ministre
Jean-Marc Ayrault sur l’avenir de Marseille, avant que le gouvernement n’annonce en novembre un plan d’aide exceptionnel (3 Mds d’euros) pour la ville.
Courtisé par le Parti socialiste et déconseillé d’y aller seul par Hollande lui-même, Pape Diouf s’est donc finalement déclaré mardi, à la tête d’un mouvement
baptisé « Le Sursaut » qui rassemble des personnalités issues de la société civile, des adhérents du Modem et du mouvement écologiste. Il dit avoir
ressenti, en tant que Marseillais depuis 44 ans, « le devoir d’y aller ». Son but : « donner un coup de pied dans la
fourmilière » « restaurer la confiance » et « éradiquer la violence ». Sa cible principale : les déçus de la
politique et en particulier ces 42,26 % de Marseillais qui s’étaient abstenus au premier tour de la municipale de 2008. Avec son sens de la formule, le candidat
a fait mouche dès sa première conférence de presse en déclarant : « Quand un lampadaire est en panne, ce n’est ni gauche, ni de droite que de chercher à
le réparer. »
« Même s’il ne fait que 3 %, il ne fait pas de la victoire finale son objectif, il y va parce qu’il veut faire bouger les choses. Il faut secouer ceux
qui sont installés. Vu comme ça, son combat n’est pas vain », commente depuis le Cameroun Joseph-Antoine Bell qui connaît bien la ville et le personnage.
Bell ne se dit pas plus étonné que ça de voir son ex-agent et ami se lancer. « La politique ce n’est pas le foot où l’on peut perdre un match, être éliminé
et rentrer à la maison. La politique, ce n’est pas pareil. Je pense qu’il est armé pour ce combat. Il me l’a dit », poursuit l’ancien gardien de but de l’OM. A
l’en croire donc, cet engagement n’est pas passager et pourrait s’inscrire dans le long terme, sur la scène locale ou même européenne. Comme au foot.
Dans «Jeune Afrique» en mars 2013
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Un jour, au Sénégal, un marabout m’a dit qu’il pouvait permettre à l’OM d’être champion de France et de remporter la Coupe de France. Il fallait simplement
que je lui verse l’équivalent de 25 000 euros. J’ai répondu que j’étais d’accord à une condition : je le paierai après.
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