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COLOMBIE Medellín, la nouvelle vie de la ville la plus dangereuse du monde

Longtemps meurtrie par la violence, Medellín, deuxième ville de Colombie, a entamé depuis douze ans une profonde mutation. Son maire, Aníbal Gaviria, nous explique les principes d'une politique axée sur la refondation sociale. Interview.

  • 7 janvier 2015

Vue de Medellín, Colombie - Ivan Erre Jota/Flickr/CC.

Aníbal Gaviria Correa est maire de Medellín depuis 2012, après avoir été gouverneur du département d'Antioquia (dans le Nord-Ouest) de 2004 à 2007. Bien que d'un bord politique opposé, il poursuit l'action engagée depuis douze ans par les deux maires qui l'ont précédé pour transformer cette cité de 3,5 millions d'habitants. Priorité absolue : réduire la pauvreté, les inégalités et l'exclusion.

La famille d'Aníbal Gaviria a payé un lourd tribut au conflit armé en Colombie : en 2003, son frère aîné Guillermo était assassiné par les Farc, qui l'avaient enlevé un an plus tôt. En décembre dernier, le maire de Medellín a reçu un prix, décerné par des organisations citoyennes de Colombie aux élus les plus investis dans la réduction de la pauvreté.

Courrier international : Quel portrait feriez-vous de Medellín aujourd'hui ?

Aníbal Gaviria Correa : On dit souvent que notre ville a changé d'image. Mais c'est la réalité qui a changé ! Il y a vingt ans, nous connaissions une violence aiguë, nous vivions une époque sombre. En 1991, nous avons atteint un taux record de 390 homicides pour 100 000 personnes. Aujourd'hui, c'est une ville résiliente, qui est passée du statut de ville la plus violente du monde à celui de la ville la plus innovante et est parvenue à réduire de 95 % ce taux d'homicides.
Nous devons poursuivre et renforcer la transformation sociale et urbaine qui a été engagée, sans nous voiler la face sur les problèmes non résolus, comme les inégalités ou la violence. La pauvreté [extrême, correspondant, d'après l'institut national de statistiques colombien, à des revenus mensuels inférieurs à 96 000 pesos, soit 33,8 euros, considérés comme insuffisants pour satisfaire les besoins alimentaires de base] a reculé de 8 à 3 % en une dizaine d'années, et nous croyons qu'il est possible de la réduire encore. Mais l'un des principaux atouts de Medellín, qui complète ce portrait, c'est sa population : accueillante, gaie, entreprenante. C'est une grande force. Nous sommes une communauté d'entrepreneurs, très dynamique sur le plan économique, et cette caractéristique s'inscrit dans une longue histoire industrielle et commerciale.

• CI : Quel est le principal levier de cette mutation ?

AGC : La mise en œuvre d'un modèle basé sur des principes simples. A commencer par celui-ci, qui vous paraît évident mais ne l'était pas pour notre ville : le droit de chaque citoyen au respect de sa vie. C'est la genèse d'une nouvelle culture, au sens citoyen du terme, qui réintroduit l'idée de l'équité et du vivre ensemble. Tout ce que nous faisons vise à remettre de l'équité dans nos territoires urbains.

Les citoyens privilégient souvent les signes physiques de l'action municipale, une nouvelle autoroute, une école, mais ce qu'il y a derrière ces infrastructures, voilà la vraie transformation. Prenez le Metrocable [des lignes de téléphérique qui relient au centre-ville les quartiers les plus précaires des bidonvilles, situés sur les hauteurs]. Il ne s'agit pas seulement de transport. Le Metrocable est une traduction de ce principe d'équité. Il introduit de l'espace public là où il n'en existait pas.

C'est le cas pour toutes les infrastructures que nous créons : elles n'existent pas ex nihilo mais font partie d'un ensemble d'investissements publics destinés à l'éducation et l'égalité des chances. Regardez notre programme "Bien comienzo" (Bon début) : il ambitionne d'apporter aux enfants à la fois la sécurité alimentaire et une éducation globale. En dix ans, le taux de scolarisation est ainsi passé de 25 % à 87 %.

Autre exemple : nous avons créé la journée complémentaire pour les enfants de l'école publique, en leur proposant, après l'école, des activités culturelles, des ateliers de robotique, des cours de langues. Ces programmes existaient dans le système scolaire privé, mais pas dans le public.

• CI : Quelles sont les conditions pour réussir une telle politique ?

La métamorphose de Medellín est le résultat du travail de gouvernements locaux successifs mais cohérents entre eux. Des équipes impliquées qui ont assuré la continuité de l'action, au moins sur l'essentiel.

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