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12/11/2013 | 18h30

Une tragédie nihiliste très fabriquée de Ridley Scott, qui manque sa mue en cinéaste indé.

Ce serait presque une tendance cette année : les grands artificiers hollywoodiens veulent tous leur décrochage indé, leur film low budget tourné en urgence entre deux superproductions. Après le turbulent No Pain, No Gain de Michael Bay, qui faisait suite à la franchise Transformers, voilà que Ridley Scott épouse lui aussi cette pente déflationniste avec le polar de poche Cartel. Dans les deux cas, c’est une même idée qui préside à la conception des films : retrouver une sorte d’allant juvénile, de liberté de ton, et renouer avec l’essence même de son cinéma, ses obsessions secrètes, en l’occurrence chez Ridley Scott les figures de femmes fortes ou ambivalentes (Ripley, Thelma, Louise et les autres). Elles sont deux dans Cartel : une belle ingénue (Penélope Cruz) et une séductrice dangereuse (Cameron Diaz), deux héroïnes plongées au cœur d’un monde mafieux et hyper masculin dont elles vont peu à peu dérégler la mécanique.

A partir d’une intrigue policière décorative (un homme – Michael Fassbender – pris dans l’engrenage d’un trafic de drogue), le film désamorce ainsi son programme spectaculaire pour occuper un champ purement sexuel, un jeu de rôle pervers auquel se livrent quelques stars affublées de postiches. Dans l’idéal, Cartel aurait pu n’être que ça : un genre de carnaval hollywoodien un peu camp, sans conséquence, sexy et poliment trash – bref un Paperboy 2. Mais c’était compter sans l’emprise du scénario discursif de Cormac McCarthy (La Route, No Country for Old Men), ses aphorismes pesants dont l’esprit de sérieux et la noirceur affectée répriment l’élan sauvage du film, virant à la banale tragédie nihiliste. Ne restent plus alors que des moments de bravoure (ici une pose lascive de Cameron Diaz, là une belle saillie gore) comme vestiges isolés de la farce grotesque à laquelle Ridley Scott n’aura pas assez cru.

Romain Blondeau

Cartel de Ridley Scott, avec Penélope Cruz, Cameron Diaz, Brad Pitt, Javier Bardem (E.-U., 2 013, 1 h 51)

Tag(s) : #Art-Culture
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