Ils vivent tous les deux en France, d’où ils informent les médias par voie de communiqués de presse et d’interviews sur le déroulement des opérations militaires sur le terrain. Ils
ont en commun de vouer une réelle aversion pour le président Bozizé. Non sans raison. Eric Neris-Massi a perdu son beau-père, le médecin-militaire Charles Massi, ancien député et
ministre, mort en janvier 2010, probablement sous la torture, quelques semaines après avoir été arrêté à la frontière avec le Tchad et livré aux autorités centrafricaines. Et, dans
la foulée, sa mère, Denise Neris-Massi, seconde épouse de l’homme politique, est morte de chagrin, trois mois après la perte de son mari, laissant son fils doublement orphelin.
François Nelson Ndjadder a, lui, perdu son père, le général François Bédaya Ndjadder, ex-ministre de l’Intérieur et ancien directeur général de la gendarmerie nationale sous le
régime d’Ange-Félix Patassé, lors d’un coup d’Etat manqué attribué à François Bozizé, en mai 2001. Depuis, le jeune François Nelson, qui a lui-même goûté de la prison en 2006, alors
qu’il n’avait que 16 ans, nourrit du ressentiment envers un Bozizé devenu la bête à abattre. Sur sa page Facebook, il s’est choisi comme « devise préférée » ce
dicton populaire : « La vengeance est un plat qui se mange froid. »
Bozizé « doit rendre des comptes »
« Même s’il m’a enlevé les deux êtres que je chérissais le plus, je ne fais pas du départ de Bozizé une affaire personnelle, nuance, pour sa part, Eric
Neris-Massi.Mais il doit rendre des comptes au peuple centrafricain pour le mal qu’il lui a fait. » S’ils se retrouvent dans le combat contre le régime en place à
Bangui et font tous les deux du départ de Bozizé un point non négociable, les deux figures tutélaires de la Seleka ne sont pas pour autant des jumeaux monozygotes.
Alternant la rhétorique diplomatique et les discours de guerre, Eric Neris-Massi est la véritable vitrine extérieure de la Seleka. Féru d’informatique, métis né d’un père
centrafricain et d’une mère elle-même métisse franco-centrafricaine, manager dans un cabinet parisien de conseil en gestion et finance, il a leportélégant, le verbe facile et un
carnet d’adresses pour le moins fourni On y retrouve, de son propre aveu, les numéros directs de plusieurs chefs d’Etat africains, dont le Congolais Denis Sassou Nguesso, le
Tchadien Idriss Déby-Itno, ou encore le Béninois Thomas Boni Yayi. « Je me suis longuement entretenu hier nuit[dimanche soir, NDLR]avec le président béninois Boni
Yayi qui rentrait de sa médiation en Centrafrique, confie-t-il dans un entretien téléphonique.Je l’ai félicité pour les résultats de sa mission et l’ai informé des rafles
ethniques en cours à Bangui. J'ai également eu des contacts avec le directeur Afrique-océan Indien du Quai d’Orsay, Jean-Christophe Belliard. »
Allure de rappeur, passionné de musique et de jeux vidéo, François Nelson Ndjadder, qui a fait une partie de sa scolarité à Chicago, semble porter davantage les stigmates des drames
successifs qui ont émaillé sa vie. Arrêté le 18 mai 2006 à Bangui, à 16 ans, alors qu’il se rendait pour une demande de visa à l’ambassade de la République démocratique du Congo, il
doit à une vive réaction des organisations de défense des droits de l’homme d’avoir recouvré la liberté. Une photo du « Che » Guevara figure en bonne place sur sa page
Facebook, aux côtés des portraits de son père portant un képi de gendarme et son grand-père en tirailleur bardé de décorations. Et ses communiqués de presse pour le compte de la
Seleka, contrairement à ceux d’Eric Neris-Massi, se terminent invariablement par le slogan révolutionnaire bien connu : « La patrie ou la mort, nous
vaincrons ! »