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Les victimes des violences post-électorales manifestent pour que Laurent Gbagbo soit jugé par la justice internationale. Abidjan, le 17 juin 2013.
Les victimes des violences post-électorales manifestent pour que Laurent Gbagbo soit jugé par la justice internationale. Abidjan, le 17 juin 2013.
REUTERS/Thierry Gouegnon

Suite à la confirmation, par la chambre d’accusation du tribunal d’Abidjan, des lourdes charges retenues contre 84 proches de l’ex-président Gbagbo, dont son épouse, son fils et le président de son parti, la défense dénonce un «procès politique» minant le fragile processus de réconciliation nationale dans le pays.

Les récentes déclarations du chef de l’Etat ivoirien ne laissaient aucun doute sur l’issue de l’audience marathon de ce mercredi 11 juillet. Alassane Ouattara avait dit lundi, lors d’une conférence de presse, qu’il n’y a pas de prisonniers politiques en Côte d'Ivoire.

Mais il avait ajouté que le sort des personnes poursuivies suite à la violente crise post-électorale de 2010/2011, qui sont pour le moment exclusivement des partisans de Laurent Gbagbo, était entre les mains de la justice. Pas de surprise donc, après la décision prise par la chambre d’accusation.

Même s’il s’y attendait, un cadre du Front populaire ivoirien (FPI, parti de l'ancien président), estime avant même la tenue des procès que la justice sert de bras séculier au pouvoir en place en Côte d'Ivoire.

Parmi les 84 accusés, figurent Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien chef de l'Etat, et le Franco-Ivoirien Michel Gbagbo, fils du fondateur du FPI né d’un premier mariage. Plusieurs charges pèsent sur les prévenus : atteinte à la sûreté de l’Etat et entretien de bandes armées, crimes de sang, crimes de guerre, crimes économiques, troubles à l’ordre public, etc.

La confirmation de la chambre d’accusation concerne une partie de ces charges, les accusations du dixième cabinet d’instruction. D’autres charges, par exemple celle de génocide, pèsent sur huit personnes dont Simone Gbagbo et le président du FPI Pascal Affi N’guessan. Elles ne sont pas encore confirmées.

« Fatigués des beaux discours »

Les avocats dénoncent le non respect de la procédure pénale. Selon eux, il n’y a pas de fait individuel imputé à chaque personne poursuivie. Me Hervé Gouaméné, avocat de plusieurs membres du FPI, parle d'un procès politique. « La base de toutes ces procédures, c’est qu’on reproche à ces personnes d’avoir soit pris part à un gouvernement illégitime, soit d’avoir collaboré avec ce gouvernement. Donc, pour nous, il s’agit tout simplement d’un procès politique qui consiste à sanctionner l’adversaire politique d’hier. »

Pour l'avocat, « il n’y a aucun élément qui permettrait de confirmer ces charges et de renvoyer ces hauts cadres devant la cours d’assise comme de vulgaires criminels ». « La réconciliation, ça se manifeste par des actes concrets, ajoute-t-il. Là, non seulement ça ne va pas dans ce sens, mais ça met à mal notre appareil judiciaire (…) C’est une exploitation, une manipulation de l’appareil judiciaire à des fins politiques. »

Et de conclure : « On est fatigués des beaux discours, il faut accompagner les discours par des actes concrets. Nous ne pensons pas qu’en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara pose des actes concrets allant dans le sens de la réconciliation. » Car c'est en effet la question centrale : la confirmation des charges contre ces 84 détenus pro-Gagbo ne risque-elle pas de mettre un frein brutal au chantier de la réconciliation ? Le processus a déjà connu peu de périodes d’accélération depuis deux ans.

« Justice de vainqueurs »

Il y a bien eu les deux vagues de mises en liberté provisoire de certains détenus, notamment le Premier ministre du gouvernement post-électoral de Laurent Gbagbo, Gilbert Marie N'gbo Aké. Mais l’envoi en cour d'assises de ces dizaines de pro-Gbagbo, même ceux qui bénéficiaient de la liberté provisoire - et étaient considérés comme les moins radicaux de leur camp -, plombe encore plus un processus en panne.

Alors que, lors de la violente crise qui avait frappé le pays après la dernière élection présidentielle, de graves crimes sont imputés aux forces pro-Ouattara, notamment par une Commission nationale d’enquête mise sur pied par le chef de l’Etat lui-même, aucune poursuite n’a été engagée jusqu’ici contre des partisans de l'actuel président.

Selon certains, la décision de la chambre d’accusation renforce l’accusation régulièrement formulée d’une « justice des vainqueurs ». Un cadre du FPI dénonce des accusations éparses, vagues et globales, et attend de voir comment la justice va en donner les preuves.


POUR APPROFONDIR, NOS EMISSIONS :

• Afrique presse, 15 juin 2013 : « Vers une libération de Laurent Gbagbo ? »

• Le débat africain, 19 mai : « La Côte d'Ivoire redevient-elle économiquement attractive ? »

Tag(s) : #afrique
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